L’enseignement de la littérature

Quand j’ai commencé à enseigner, il y a vingt-huit ans, je me disais que ce qui comptait, c’était le savoir que je devais transmettre. L’exactitude des notions, des analyses de textes, ainsi que la rétroaction que je me faisais un devoir de fournir en détails, parfois sur plusieurs pages. Puis, avec le temps, je me suis rendu compte que l’essentiel de mon enseignement se situait ailleurs : dans la curiosité que je pouvais inculquer aux jeunes (et aux moins jeunes parfois), dans le doute que je parvenais à instiller dans les esprits. Je navigue à présent dans une zone grise où tout n’est pas tranché, où rien n’est définitif, hormis quelques bases immuables. J’apprends, encore. À nuancer, à m’ouvrir à d’autres approches, à d’autres visions du monde. Plus encore, je dois lutter contre toutes les distractions qui avalent la plupart des étudiants et des étudiantes : le travail, les voyages, les réseaux sociaux, les loisirs. Trop souvent, j’ai l’impression que ce qui a jadis été prioritaire pour moi – mes études – ne l’est pas pour la majorité des jeunes. Et cela m’attriste. Quand, à la pause, je les vois dans ma classe, penchés sur leur téléphone intelligent plutôt qu’en train de parler à leur voisin, cela me navre. Quelque chose, là, s’est perdu. Car on apprend tellement à force de côtoyer les autres. Moi, je ne suis qu’une pièce dans l’engrenage. Mais la vie estudiantine, elle, c’est la machine à apprendre. La vraie.

 

 

 

« Puis, avec le temps, je me suis rendu compte

que l’essentiel de mon enseignement se situait ailleurs :

 dans la curiosité que je pouvais inculquer aux jeunes

(et aux moins jeunes parfois),

dans le doute que je parvenais à instiller dans les esprits. »

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