Charles Chevrier. 4 mai 2023. Première question. C’est quoi que je fais ? Je vomis des textes comme une fabrique. On faisait quoi pendant que Lac-Mégantic brûlait ? On était en cours de mathématiques ? Non ? On utilisait la formule quadratique ? À l’école, on me dit que mes idées ont de la valeur, que les professeurs veulent entendre ce que j’ai à dire, la réalité c’est que j’ai seulement de bonnes idées si elles se conforment aux règles de la grammaire du seizième siècle et aux idées politiquement correctes. Sinon, ce sont des erreurs. Au-delà, les injustices dans le monde, on prétend qu’on veut les régler, mais le gouvernement monte le taux de taxes pour aider les pauvres, puis on dirait que l’histoire vient de changer. On nous dit de travailler fort, de monter l’échelle, mais ça ressemble plus à un serpent qui nous ramène à la case départ. Que de faux espoirs. Nous sommes tous des automates qui succombent aux pressions de la société. Conforme-toi. Détache-toi. Effectue ton travail. On est pris dans nos vies, comme des navires pris dans une tempête. On continue d’avancer, malgré les vagues qui nous submergent, malgré le vent qui nous pousse dans toutes les directions. Je m’en fous de mes amis, de l’amour, de la famille. Moi ce que je veux c’est de l’argent. Je m’en fous du bonheur, de l’empathie, de la générosité. Moi ma valeur guidant c’est l’efficacité. Il faut être rationnel. Je m’en fous de comment tu te sens, mais si ça peut te faire sentir mieux, je peux prétendre. J’ai beau chialer et reconnaître ces injustices et ces problèmes, mais à quoi ça sert ? Moi je suis moi. Je ne peux rien y faire. Je suis une personne sur huit milliards. Personne ne me connaît, personne ne me connaîtra. Je n’aurai pas de marque à laisser à la société, à part à contribuer à ma toute petite part pour faire continuer le système. Je prétends que j’aime ça vivre dans ce système, et je me préoccupe de choses superficielles. Quand je me promène dehors, j’aime les rayons du soleil qui touchent ma peau. J’aime bien la musique, vieille et nouvelle, et de n’importe quel genre, surtout la musique qui joue à la radio. J’aime les arts. Les peintures symboliques, ou bien antiques. Les chiens et les chats m’apportent du bonheur, et quand ils meurent dans des films, je pleure plus que quand un humain meurt. En tant qu’êtres humains, nous sommes capables de s’engager dans des réflexions sur des sujets philosophiques et abstraits. Chacun d’entre nous est en mesure d’accomplir de grandes choses, sans exception. En ce qui concerne mes opinions politiques, elles sont fondamentalement construites par moi-même, et non pas par des influences extérieures tels que les réseaux sociaux, mes amis ou bien mes parents. Quel parti politique est le moins corporatiste et le moins corrompu ? Comme tout le monde, je crains le changement dans le climat politique, donc je vais prendre ce qui ressemble le plus au statu quo. Dans la prémisse où j’adopte des idées véritablement novatrices, il serait à craindre que je ne sois perçu comme un individu qui ne se conforme pas aux normes de notre société; la construction de nos images sociales, en association avec le moule dans lequel notre société essaie davantage de nous modeler, prévaut sur toute autre considération. N’est-ce pas ? En effet, en étant nous-mêmes et en répondant aux attentes et aux normes de la société, nous vivrons des vies remplies de sens et de bonheur. La transgression des normes sociales et la non-conformité sont futiles. Alors je ferme ma gueule et j’étudie.
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