Il a fabriqué des petites maisons pour crèches de Noël. Ce fut l’éclosion de ce talent créatif qui dormait en lui. C’est timidement, mais avec fierté, qu’il les a toutes vendues aux portes des gentes dames sur la rue. Dix ans, il avait. Il a entrepris des études technologiques en électronique. Seize ans, il avait. Il a gradué avec brio de ses études, toujours premier de classe. Sa photo fut à l’honneur à la cafétéria. Vingt ans, il avait. Il a inventé un économiseur d’ampoules à incandescence fort simple. Le sens des affaires l’avait inspiré, sans pour autant trouver à commercialiser son gadget. Vingt et un an, il avait. Il a conçu un orgue de couleur, dont la lumière, en teinte et en brillance, répondait à la fréquence et à l’intensité des sons musicaux. Deux atouts auraient été gagnants : une fenêtre translucide en pointe de diamant au lieu d’un acrylique semi-transparent et d’un microphone pour la réception des sons plutôt qu’un câble électrique branché à un haut-parleur. Vingt-trois ans, il avait. Il a lancé sa propre entreprise en conception d’instruments électroniques industriels, qu’il a nommée CEG Automation. Vingt-six ans, il avait. Au terme de dix-sept années, au cours desquelles il a créé une multitude d’appareils, un incident de parcours catastrophique a détruit cette industrie qu’il avait vaillamment et assidûment bâtie. Bien que testé en laboratoire, le microprocesseur utilisé pour la transition de technologie, d’ores et déjà largement utilisé dans les instruments mis en service, a démontré une extrême sensibilité aux interférences électromagnétiques, laquelle défaillance fut impossible à corriger malgré tous les efforts déployés à cet effet. Quarante-trois ans, il avait.
Il a fondé maintes entreprises en communication, à son compte, avec des journaux et des magazines nouveaux genres, dont L’Info Quartier et Le journal des gens seuls, entre autres. Quoique, sans se douter qu’il ne pourrait émerger de cette jungle des médias papier. Entre quarante-quatre et cinquante-quatre ans, il avait. Il a inventé des jeux de société inédits, tels que « La Bourse », « Jumanji », inspiré par le premier film de ce nom, « Le Créateur », un jeu-questionnaire assorti d’un puzzle à assembler pièce par pièce avec les bonnes réponses, six jeux à thèmes sur le principe de celui des échelles et serpents, un jeu de bingo peu encombrant, avec un boulier plat. Il a redonné vie au jeu de Parchesi. Mais, encore là, la chasse gardée des grands producteurs de jeux lui a interdit l’accès aux tablettes des magasins. Entre cinquante-cinq et soixante-quatre ans, il avait. Il a écrit quarante-cinq livres : des recueils de blagues, sous forme d’histoires, de devinettes, de citations drôles, des romans grand public, des histoires érotiques, des comédies humoristiques, des livres de réflexions philosophiques sur les mystères de l’univers, de la vie, des comportements humains, un livre de pensées, sa biographie. Il entrevoyait cette mission comme étant la dernière, laquelle il avait l’intention de compléter avec brio. Entre cinquante-cinq et soixante-treize ans, il avait. Il a connu de petites gloires, le long de tous ces chemins qu’il a empruntés. Il croit encore que la célébrité l’attend, sur le prochain chemin de son destin, le grand inconnu qu’il n’a jamais emprunté. De toute manière, il sait que la gloire ultime il connaîtra, heureux de tout ce qu’il aura accompli, quand il empruntera le dernier chemin, celui de l’éternel au-delà, où même les plus grands hommes finissent aux oubliettes. Soixante-quatorze ans, il a.
Lire également
Nous, par Marianne Fortier
Je me retrouvais enfin seule dans cette grande pièce lumineuse aux fenêtres d’or. La journée avait été épuisante. Malgré les roses trop rouges et le gâteau qui s’était fait bousculer, j’étais vite devenue ivre de sourire et de bonheur. Tu étais là, près de moi, ta main dans la mienne. J’avais senti ton regard toute […]
Le temps perdu, par Claude Bisson
Dans l’immensité de l’espace, loin de la Terre, un vaisseau filait à toute vitesse vers Jupiter. À bord, les astronautes étaient plongés en sommeil profond, tandis que l’intelligence artificielle ODYS-C 9000 pilotait l’appareil, veillant sur l’équipage et sur la mission avec une précision sans faille. Cependant, même en sommeil, le professeur Chandra était tourmenté par […]