Un adage stipule que : « Une image vaut mille mots ». Je ne
suis ni photographe ni artiste peintre, mais je tenterai de
mettre en images grâce à mes mots une période sombre
qui m’a affligé longtemps ; un bout de ma vie perdu.
Je recule de plusieurs décennies.
J’avance sur une route fraîchement asphaltée.
Le soleil m’accompagne dans ma normalité.
Mais mon chemin s’embrunit
Des méandres sur une base de gravier, tel un fond de
rivière desséchée, se sont multipliés. À chaque tournant,
de nouveaux obstacles entravent mon avancée. Au début,
ils se franchissent facilement, mais la difficulté grandit
au fur et à mesure que, sous mes pieds, s’amoindrit mon
tracé. Quelquefois ces empêchements me font trébucher,
écorchent mes genoux et mes coudes où ils arrêtent ma
progression. Sous les intempéries je me salis de boue. Elle
souille mes vêtements, s’incruste sur et sous ma peau,
puis par la suite s’insinue dans mes muscles, mes os et
même mon cerveau. Finalement cette vase noircit à ce
moment mon esprit.
La route devient sentier
Étroit et bordé de falaises escarpées
Les larmes emplissent mon quotidien.
Mon sourire n’est plus rien
Mal équipé pour affronter ce périple de haute voltige, je
tente de m’y débrouiller tant bien que mal.
La fatigue s’installe
Les maux d’estomac
Le reflux gastrique
Les migraines.
Puis les idées noires se pointent.
Une forêt sombre, humide me fige
J’étouffe une brûlure interne qui m’afflige
J’avance tel un homme saoul et intoxiqué
Vers un abyme noir pour abdiquer
Jusqu’à une croisée de chemin.
À gauche le même sentier funeste
À droite, un pont couvert enfin!
Un rayon de soleil se manifeste
Je choisis d’y entrer, pour me reposer un moment. Mais
arrivé au centre, deux panneaux tels des ponts-levis se
referment violemment et m’enferment dans ce tunnel de
noirceur.
Tous mes démons remontent à la surface.
Je m’écroule, recroquevillé, en sanglots. Une masse.
Un enfant craignant le monstre sous son lit. Maman!
La malbouffe, le confinement, l’emprisonnement.
Puis la rage, enfin : libèrement
Je frappe, sans relâche, ma cellule.
La révolte me consume et me brûle
M’en sortir, il faut m’en sortir! Je hurle
sous mes coups le plancher cède : Je souffle
À nouveau, lueur d’espoir ! Je tombe alors dans une rivière
déchainée. Elle m’emporte. Je m’enfonce, je refais surface.
Projeté contre les rochers tel une feuille morte, je cherche
à m’agripper. Sans succès. Une grande fatigue s’empare de
moi, je suis prêt à me laisser couler à pic.
Soudain, au détour du torrent, une vieille passerelle.
Dessus, une femme et un jeune me tendent leurs ailes
Des anges. Ils me secourent me hissent m’interpellent
Un chemin où je titube vers la guérison se révèle
J’ai maintenant un nouvel adage : « Je vis chaque moment
présent », car je choisis la passerelle de la lumière, plutôt
que la prison du pont couvert de la noirceur.
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