2h52

La patiente se met à quatre pattes pour pousser
J’ai échoué, ils m’ont abandonné
La patiente est anxieuse et triste
Je suis sereine, mais déçue
Décor flou, je ne contrôle rien
table qui roule
Ses larmes à lui qui tombent sur mes joues
Mon corps crépite sous l’effet des drogues
rien ne m’appartient dans ce moment
Le plus grand des moments
La patiente demande à voir son bébé
La mère, je suis une mère
Naissance d’un nouveau-né de sexe masculin avec
APGAR de 9-10 à 2 h 52.
Malprésentation occipito-postérieure confirmée.
Tes pieds, ta tête
ont emprunté un autre chemin
un sentier que je ne connaissais pas
trop bien emmitouflé, tu serais resté
Les pleurs ont jailli dès ta première bouffée d’air
que je n’ai pas vue, le ventre ouvert
Tu criais à l’immensité de la vie que tu étais arrivé
et j’étais trop loin pour te rassurer, le ventre ouvert
Ils ont détruit le lien qui nous unissait
méthodiquement, médicalement
J’avais rêvé le célébrer, l’honorer
Donnez-moi mon bébé, donnez-moi mon bébé !
Enfin, ils t’ont déposé sur mon sein
trop propre
Je t’avais imaginé paré
des habits du nid que tu venais de quitter
Mais le silence
le silence de la communion de ton regard dans le mien
Nous nous sommes reconnus
Je ne t’ai pas amené au monde comme je l’aurais voulu
aucun des ponts que j’avais préparés, tu n’as traversé
Mais nous nous sommes reconnus
Les fils lumineux qui se sont tressés
entre mes yeux et les tiens
entre mon âme et la tienne
J’appartiens à ta création
ton futur, à tous tes demains
Je ne t’ai pas amené au monde comme je l’aurais voulu
aucun des ponts que j’avais préparés, tu n’as traversé
mais j’en créerai de nouveaux
pour t’apprendre à marcher, à courir
à écrire
Je tisserai les lattes sous tes pieds
l’une après l’autre
jusqu’à ce que tu puisses à ton tour
tisser l’invisible

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