Le droit d’être rebelle
Correspondance de Marcelle Ferron avec Jacques, Madeleine, Paul et Thérèse Ferron, Boréal, 2016 (623 p.)
Le clan Ferron – trois sœurs et deux frères – s’est opposé, chacun et chacune à sa manière à la société ultraconservatrice qu’était le Québec à une certaine époque. C’est ce dont témoigne la correspondance entretenue entre les membres de la famille de 1944 à 1985. Des 481 lettres regroupées par Babalou Hamelin, ce sont surtout celles de Marcelle, sa mère, qui révèlent les liens qui unissent (et parfois séparent) la fratrie. En lisant cette correspondance, le lecteur entre à la fois dans la grande Histoire du Québec et dans celle de cette famille qui a assumé un rôle dans la sphère publique, comme le soulève Laurent Laplante dans la revue Nuit blanche (hiver 2017).
Le livre, un pavé de 623 pages, plaira aux friands de l’art épistolier. On se dévoile, on se remet en question, on se tire parfois le tapis sous les pieds; on s’aime, on s’inquiète de savoir l’autre malade au loin, on brasse la cage, on voudrait tout casser ou alors on se tait pour montrer son désaccord. On réprouve, on encense, on pardonne. Le ton est franc – parfois brutal – et il arrive aussi qu’on se fasse des crocs-en-jambe. Leur frère Paul apparaît comme phare dans ces tempêtes.
Mais bien au-delà des sautes d’humeur de l’un ou de l’autre, on est témoin de l’évolution de ces hommes et de ces femmes qui laisseront leur marque indéniable sur le Québec que ce soit par l’écriture (c’est le cas de Jacques, Madeleine, et Thérèse) ou par les arts (Marcelle fut sculpteure, peintre, professeure, créatrice de vitraux). Le livre plaira aussi aux fervents d’Histoire. On quitte la Grande Noirceur, on entre dans une ère plus libérale. Au Québec, c’est la Révolution tranquille. Robert Cliche, le conjoint de Madeleine, joint les rangs d’un nouveau parti politique (NPD). Mais pour se déployer, il faudra à Marcelle-la-rebelle un exil volontaire en France qui durera treize ans. Exil pendant lequel elle élèvera seule ses trois filles dans des conditions de misère. La signataire du Refus global a besoin de son espace vital pour créer, mais aussi pour aimer – certains membres du clan prendront ombrage d’ailleurs qu’elle ait successivement ou simultanément plusieurs amants : notre sainte Mère l’Église exerçant encore son autorité jusque dans les chambres à coucher…
Le droit d’être rebelle nous permet de suivre la destinée d’êtres qui sortent de l’ordinaire. C’est un grand roman épistolier et familial qui donne le goût de (re)visiter les œuvres que les Ferron ont laissées derrière eux. Relire l’Amélanchier. Découvrir ou revoir les vitraux grandioses de Marcelle (MBAQ, métro de Montréal, etc.) entre autres.
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