Le processus d’écriture est très solitaire et je dirais même égoïste. Mon premier roman a été créé en fonction d’un public très restreint : moi-même. J’ai écrit ce que moi, j’avais envie de lire à ce moment-là. J’ai abordé des sujets qui me touchaient ou qui touchaient des gens de mon entourage. Il n’y avait pas de stratégie visant à plaire à un tel public ou de réflexion sur les tendances littéraires et les chiffres de ventes. Cependant, il était clair que mon bouquin n’était pas destiné à l’élite ou au milieu universitaire. J’avais simplement envie d’offrir une lecture divertissante, avec un personnage principal différent de ce que présente habituellement le genre chick lit aux femmes comme moi. De toute façon, peu importe pour qui l’on pense écrire, il faut se rappeler humblement qu’on ne choisit pas nos lecteurs, ce sont eux qui nous choisissent.
Un peu comme le roman historique ou les thrillers, la chick lit a ses adeptes. Dans mon cas, j’ai été publiée dans une collection avec plusieurs livres à son actif. Ça aide à vendre des exemplaires, c’est certain ! Étant donné qu’il s’agit d’un genre littéraire grand public, la distribution du livre par l’éditeur est facilitée, puisque les grandes surfaces l’acceptent sur leurs rayons. Est-ce que ça garantit un best-seller ? Eh bien, non. Lorsqu’on est une pure inconnue, même avec toutes les conditions gagnantes, le lecteur reste le juge final du livre et c’est lui qui en fera ou non un succès.
La route du roman est en effet bien différente pour un auteur établi et pour un nouvel auteur. C’est normal. Ceux qui sont connus ont travaillé fort et ont généralement publié plusieurs livres pour le devenir. Un roman de chick lit ne fera pas l’objet de critiques littéraires dans les médias traditionnels et ne gagnera pas non plus de prix pour faire parler de lui. Les articles dans les médias, la distribution de masse chez Costco pour un nouvel auteur, c’est possible, mais il ne faut pas compter là-dessus pour se rendre au best-seller, c’est le contraire. Ce n’est qu’après que votre livre a obtenu des chiffres de ventes enviables que les articles dans les journaux arrivent et que le géant de la vente en gros accepte de vous distribuer. Comment en vendre assez pour finalement réussir à en écouler encore plus ? Avec la complicité des lecteurs. Ce sont eux qui parlent de votre livre, ce sont eux qui les prêtent à des amis, eux qui alimentent les blogues littéraires. Le bon vieux bouche-à-oreille, ou maintenant le post Facebook ou Instagram, c’est d’abord ça qui mène au palmarès des ventes.
J’ai eu la chance de vivre une première expérience littéraire formidable, oui par des chiffres de ventes inespérés pour une première trilogie, mais surtout grâce aux relations privilégiées avec les lecteurs. Cependant, avant même de penser avoir un dialogue avec eux, il faut qu’une relation se crée entre ceux-ci et votre œuvre. Ce petit bout de votre imagination se retrouve dans les mains d’inconnus. Chaque ligne d’un roman est écrite avec une intention, mais lorsqu’elle est imprimée, puis lue, sa signification se transforme selon l’interprétation du lecteur, qui est teintée par son vécu. Certains m’ont dit avoir ri tout au long du récit, d’autres avoir pleuré à certains moments. Des femmes se sont identifiées aux personnages, d’autres y ont reconnu un proche. Quelques ados ont même reconnu leur mère. Au fil des pages, le roman se métamorphose d’un objet inerte en une vague d’émotions ressenties par le lecteur. Et selon moi, plus cette sensation est forte, plus les gens auront envie de tisser un lien avec l’auteur.
Ce qui me mène à la relation entre le lecteur et l’écrivain. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, le public a un accès direct aux créateurs et, pour moi, c’est tant mieux. Il n’y a rien de plus gratifiant que de me réveiller avec le message d’une lectrice qui a fini mon roman au petit matin et qui, sur l’impulsion du moment, décide de m’écrire à quel point elle a aimé sa lecture. Savoir que des femmes sont en deuil de mes personnages après le dernier tome tellement elles se sont attachées à eux est une énorme dose d’adrénaline. Mais attention, c’est un dialogue : on ne peut pas seulement recevoir, il faut aussi donner. Être présent sur les réseaux sociaux, ça prend du temps. On doit, selon moi, répondre rapidement aux messages, s’abonner aux blogues littéraires et aux pages des librairies, aller lire les commentaires et réagir à ceux qui nous concernent. Sur nos pages Facebook et Instagram, fournir du contenu en partageant les critiques, les promotions, mais aussi offrir des extraits de notre prochain roman. Ce sont ces petits gestes qui gardent la conversation ouverte avec les lecteurs et qui les incitent à continuer à s’intéresser à ce que nous faisons.
Au-delà du virtuel, il y a les rencontres en personne. Les salons du livre sont des endroits formidables pour créer des liens privilégiés avec les lecteurs. L’an passé, il y avait une file d’attente devant ma table… pas pour moi, pour l’auteur jeunesse à côté. Une dame patientait avec sa fille pour obtenir la signature tant convoitée. Mon livre a attiré son attention, j’ai plaisanté avec elle et, finalement, pas tout à fait certaine du genre, elle a acheté mon premier tome. Cette année, au même salon, cette même lectrice m’attendait. Elle voulait me dire qu’elle avait lu la série au complet et qu’elle avait été ravie de tomber par hasard sur mon roman l’année précédente. Deux minutes après, une autre lectrice pleurait dans mes bras parce que mon livre décrivait exactement sa réalité du moment. Ce genre d’expériences, ça vaut beaucoup plus que n’importe quel chiffre de ventes. C’est d’ailleurs après les salons que je suis le plus inspirée et motivée à écrire.
Est-ce que je veux être lue par un grand nombre de personnes ? Oui, comme la plupart des auteurs, je pense. Mais ce n’est pas pour l’appât du gain, j’ai déjà un travail qui paye mon hypothèque. L’avantage financier est certes agréable, mais la réelle motivation provient de la relation précieuse avec le lecteur. Plus il y a de personnes qui me lisent, plus ces rencontres virtuelles ou réelles se multiplient et alimentent mon désir de continuer mon aventure littéraire.
Maintenant que le dialogue est ouvert avec les lecteurs, est-ce que ça change ma façon de créer ? Oui… et non. Je dirais qu’un stress s’ajoute : la peur de décevoir. Mais j’ai décidé de continuer d’écrire pour moi en premier. Je vais probablement rester dans le même style, pas parce que ça marche, mais parce que ça colle à ma personnalité. J’ai le goût de faire rire, d’être positive et de faire réfléchir, mais surtout de faire ressentir des émotions fortes.
Être lue, c’est un véritable honneur. La plupart des gens vivent à un rythme effréné… que ces personnes prennent quelques minutes de leur journée, une heure de leur week-end ou même des jours de leurs précieuses vacances pour me lire, c’est pour moi un privilège, voire une responsabilité. Ma mission littéraire est maintenant claire : divertir en permettant aux lecteurs de s’évader l’instant de quelques pages, grâce à mes histoires.
Geneviève Cloutier est un Mini-Wheat. Son côté blé entier a été pleinement exploité durant les quinze dernières années avec son emploi en informatique. Bien que son côté givré réussisse à faire surface sporadiquement, autant d’années d’oppression ont mené à une révolte sucrée : l’écriture de romans ! Exit le rationnel, place à la créativité, à l’imagination et à l’humour !
Lire également
ET APRÈS… LE SUCCÈS ?
Après des mois, des années, de travail, d’enthousiasmes, d’angoisses, enfin le livre paraît. D’objet virtuel, il devient réalité. Pour l’auteur, il y a une part de deuil : l’objet ne lui appartient plus. Mais il y a aussi une large part de plaisir, de rêve et d’espoir. Bien sûr, on rêve de succès. Tout auteur espère […]
LE BONHEUR D’ÉCRIRE
Quand on m’a demandé d’écrire un texte sur le succès, j’ai candidement dit oui, croyant que j’avais déjà une opinion toute faite sur le sujet. Mais, en y réfléchissant, et même avec seize ans de métier, j’ai dû me rendre à l’évidence : ce n’est pas aussi simple que je le croyais d’emblée. Plus jeune, je […]