Diamorphine, par Gabrielle Lareau

dans ma volonté de fuir
j’ai forgé mes chaînes

il était sans doute écrit
qu’à l’aube de ma vie
je devais céder ma liberté

servir une dame
aussi merveilleuse que toxique
changer ma peau en pleurs
et mes veines en vapeurs

pendre ma jeunesse
à la pointe de son aiguille
car cette dame n’est nulle autre qu’ardeur
malheur à ceux qui la croiseront
c’est contagieux

dans ma volonté de changer
j’ai forgé un rituel

les jours s’enchaînent
et avec eux
les tentatives d’arrêter

voyageuse solitaire
à destination
de son point de départ

soudainement
je ne maîtrise plus la nage
mes dernières années passées dans l’eau
disparues

je désire tant qu’on me lance une bouée
mais il n’y a personne à l’horizon

dans ma volonté d’être libre
j’ai forgé mon tombeau
je perds à chaque marche
le pouls et l’haleine
la sueur au front
l’estomac démeublé
le corps froid

dans ma volonté d’être heureuse
j’ai forgé ma colère

cette colère qui me ronge
car je n’aime pas
le verbe abandonner

elle éclate en débris de verre
me dévaste les entrailles

elle creuse
dans une mémoire
déjà douloureuse

dans ma volonté de vivre
j’ai forgé ma fin

quand je ferai mes bagages
que personne ne prenne le deuil
qu’on mélange ma poussière
à de la gomme-laque
pour en faire un disque
sur l’étiquette duquel on écrira
elle a cessé de fuir

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