Après des mois, des années, de travail, d’enthousiasmes, d’angoisses, enfin le livre paraît. D’objet virtuel, il devient réalité. Pour l’auteur, il y a une part de deuil : l’objet ne lui appartient plus. Mais il y a aussi une large part de plaisir, de rêve et d’espoir.
Bien sûr, on rêve de succès. Tout auteur espère que le livre sera bien accueilli. Le succès… Mais que signifie donc ce mot en littérature au Québec en 2020 ? Il y a divers types de succès. Le succès critique et littéraire qui vient des recensions et des critiques que l’on espère toujours favorables. Ce succès vient aussi de la reconnaissance des pairs par les mentions, les nominations et les prix littéraires. Il y a aussi le succès public qui vient des lecteurs, de leurs commentaires et, soyons terre-à-terre, des ventes.
Ce public, l’auteur a peu de contact avec lui. Quelques amis et des connaissances lors du lancement ; et puis des rencontres dans les salons du livre, d’autres lors de séances de signature, de conférences ou de tables rondes. Quelques petits mots sur les médias sociaux. Mais, contrairement aux artistes de la scène (acteurs, chanteurs, humoristes, musiciens…), l’auteur vit dans l’ombre des projecteurs. Ce métier est un métier solitaire. Solitaire pendant la période de création ; solitaire aussi ensuite.
Le succès critique est différent. C’est lui qui donne une visibilité à l’œuvre. Quelques bonnes critiques dans des médias sérieux peuvent élargir le lectorat, faire connaître le livre et pousser ses ventes. Une étude, commandée en France il y a quelques années par l’association des éditeurs, démontrait que, si un lecteur éventuel avait entendu parler en bien d’un livre à quatre reprises dans les médias (télé, radio, journaux, revues, etc.), il avait tendance à l’acheter lorsqu’en bouquinant il le voyait en librairie.
Le succès, je l’ai dit, peut aussi venir des nominations et des prix que le livre recevra. Décernés par des jurys sérieux, les prix peuvent avoir une incidence sur la carrière d’un livre. Ils ont deux avantages : d’abord, ils remettent à l’avant-plan le livre qui, souvent, est paru plusieurs mois plus tôt et qui commençait à être oublié. Et puis, il procure au gagnant une grande fierté et un sérieux encouragement à poursuivre son œuvre. C’est un grand honneur qu’on lui fait. Cette reconnaissance importe et elle insuffle une nouvelle énergie. Mais l’arme est à double tranchant : la barre est maintenant plus élevée et il faudra que le roman suivant soit à la hauteur.
Mais ne nous faisons pas d’illusions : les prix, « ça ne change pas le monde », comme le disait une publicité. Bien sûr, la plupart des prix sont accompagnés d’une bourse parfois généreuse. Mais en ce qui concerne les ventes, les incidences des prix demeurent souvent marginales. Nous ne sommes pas en France où le lauréat du Goncourt reçoit un mince chèque de 10 euros, mais vend généralement 250 000 exemplaires de son roman.
En somme, de quoi dépend le succès d’un livre ? D’abord de sa qualité et de son originalité, évidemment. De son style, de la richesse de ses personnages, de l’intelligence et de la complexité de son intrigue. Mais aussi d’une infinité d’autres facteurs, plus ou moins aléatoires, qui peuvent intervenir : de la notoriété de l’auteur, de l’enthousiasme de la critique, de la campagne de presse (s’il y en a une), du bouche-à-oreille (très important en cette époque de médias sociaux), de l’actualité de son sujet, de tant d’autres hasards…
Mais rappelons en terminant que le « succès » littéraire au Québec est bien fragile et souvent bien mince. Paul Auster répondait à un animateur de la télé française qui était tout heureux de recevoir sur son plateau une « célébrité » de la littérature américaine : « Célébrité, célébrité…, répondit Auster. Sachez, monsieur, qu’en Amérique, une célébrité de la littérature est une bien petite célébrité ».
Alors, restons humbles et réalistes et reprenons la plume avec l’espoir de faire une œuvre de qualité qui atteindra peut-être le… succès.
Né à Beaulac-Garthby, André Jacques a enseigné pendant plus de 30 ans la littérature, l’histoire de l’art et le cinéma au Cégep de Thetford. Depuis l’an 2000, il a publié six romans policiers. Ses deux plus récents romans, La Bataille de Pavie en 2016 et Ces femmes aux yeux cernés en 2019, se sont mérité le prix de Saint-Pacôme du meilleur roman policier québécois. L’auteur habite Sherbrooke et travaille, en ce moment, à un septième roman.
Crédit photo : Jessica Garnier
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