Quand on m’a demandé d’écrire un texte sur le succès, j’ai candidement dit oui, croyant que j’avais déjà une opinion toute faite sur le sujet. Mais, en y réfléchissant, et même avec seize ans de métier, j’ai dû me rendre à l’évidence : ce n’est pas aussi simple que je le croyais d’emblée.
Plus jeune, je lisais mon horoscope qui laissait présager du succès dans mes amours ou en affaires. Ceci déclenchait en moi une foule d’images de futures grandes demandes d’un bel acteur, ou la promesse d’une vie jet-set à Hollywood en tant que scénariste vedette. Ce fut probablement ma première conception de la réussite.
J’ai donc été lire la vraie définition du succès. Celle-ci dit : « fait de devenir populaire pour ce qu’on a accompli ».
Hum.
J’ai ensuite imaginé comment ça s’appliquait à la littérature. C’est certain que lorsqu’on commence à écrire, le succès représente le but ultime, l’apogée. Et pour être bien honnêtes, on en rêve tous en début de carrière.
D’ailleurs, dès qu’on mentionne notre métier à quelqu’un qui n’est pas du milieu littéraire, il demande immédiatement si on est connu et si on fait beaucoup d’argent.
Avec le temps, par contre, le concept de succès pour un auteur devient relatif, peut-être même un peu flou. La façon dont on mesure le succès dans notre milieu est plutôt subjective. D’une part, parce qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, et d’autre part, parce que ça dépend presque du genre dans lequel on écrit ; par exemple, un poète n’aura pas les mêmes attentes qu’un romancier populaire.
Pourtant, ça n’empêche pas un auteur de connaître le succès en gagnant l’estime de ses pairs ou en remportant des prix, et un autre, d’être accueilli par des hordes de lecteurs et de voir ses ventes décoller. Et c’est possible pour une minorité d’entre eux d’obtenir tout cela à la fois.
Et moi, après toutes ces années, me suis-je demandé, est-ce que j’ai du succès ?
La réponse à cette question est bien personnelle. J’avoue que malgré mon expérience et les prix remportés, les séances de signature s’avèrent souvent très solitaires. Pourtant, il y a toujours quelqu’un pour me surprendre ; un parent qui me remercie d’avoir incité son jeune à lire, un lecteur qui a dévoré ma production entière et qui affirme que je suis son auteure préférée, un collègue qui me pique une jasette et encense mon dernier roman. Ces rencontres me comblent chaque fois.
Avec le recul, je crois que la définition du succès devrait nécessairement impliquer une grande part de bonheur. À quoi ça sert la popularité si on n’est pas heureux ?
Peu importe mon nombre de ventes ou ce que mon nom évoque, dans mon métier, je peux quotidiennement m’évader dans n’importe quel univers et le façonner à ma guise. Rencontrer des personnages historiques ou en inventer. Visiter des pays lointains ou même inconnus. En prime, j’ai un réseau de collègues extraordinaires, des éditeurs avec qui j’ai du plaisir à travailler et l’appui de mes proches… Qu’est-ce que je pourrais vouloir de plus, au fond ?
Au diable le succès et ses fausses promesses d’horoscope !
Et vivement que je me plonge avec bonheur dans mon prochain projet !
Véronique Drouin est née en 1974 à Montréal. Bachelière en design industriel, elle a d’abord été conceptrice de jouets avant de plonger dans l’écriture de romans. Artiste multidisciplinaire, elle réalise elle-même les illustrations de plusieurs de ses livres. Elle a notamment remporté le prix du Gouverneur général, catégorie jeunesse – texte en 2017 ainsi que le Prix des libraires, catégorie jeunesse, en 2020.
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