LE DIMANCHE

Le dimanche
se répandait sur le perron de l’église
à la sortie de la messe

des flots de paroles légères
descendaient les escaliers de planches
recouvraient les guerres de voisinage

sous le vent
les robes soyeuses
les chapeaux à plumes
les chemises blanches
les habits charbon

se dispersaient
avec l’envolée ensorcelante du clocher

Le dimanche c’était
mon père

son pas lent

son grand corps détendu
se penchait parfois pour arracher un pissenlit
entre les pierres bleues
du sentier menant au lac

Je reconnaissais le dimanche sur
son visage

le front lisse
les lèvres minces

ses joues ombragées à peine creuses
buvaient la brise de juillet

silencieux
il parlait
à l’horizon

Dans sa chaise de métal verte
il tanguait doucement

un journal plié
oublié sur les genoux

ses bras abandonnés et
ses larges mains ornées de reliefs
malgré lui
se tournaient vers le ciel
où son regard était déjà arrimé

Le dimanche c’était
le ruisseau où il nous emmenait

la voiture enfin arrêtée lâchait la meute

nous sautions de rocher en rocher
au-dessus du torrent

immobile
il nous regardait

Le dimanche mon père
posait sur nous
un regard étonné comme si

nos gestes et nos voix d’enfants
portaient une lumière
qui lui avait échappée jusque là

Le dimanche mon père
ne travaillait pas

 

Marie Sirois se passionne pour l’écriture depuis toujours. Andragogue et conseillère en orientation, elle partage son temps entre la famille et ses passions : le travail, le plein air et l’écriture.

 

 

Lire également

DES PLONGÉES DANS L’ENFANCE

Le bruit de la marmaille. 1950. Être une enfant sur la 8e Avenue, c’était vivre au milieu du bruit parmi des oncles, des tantes, une trâlée de cousins et de cousines. Ça ricane, ça se chicane, ça se court après. Ça crie sans arrêt. Une cour, recouverte de mâchefer, relie les deux blocs, propriétés de […]

LETTRE DE GRAND-PÈRE SIMON À SA PETITE-FILLE ISABELLE

Par: Danielle Ferron

  Ma chère petite Isabelle, Je n’ai pas oublié ce que tu m’as demandé l’autre jour, que tu aimerais en savoir plus sur la famille de ma mère, ton arrière-grand-mère. J’ai peur que tu ne sois déçue car je ne sais pas grand-chose de la famille Saint-Cyr. Ce n’est pas que Maman n’en parlait pas. […]

Partager

Commenter