Nous, par Marianne Fortier

Je me retrouvais enfin seule dans cette grande pièce lumineuse aux fenêtres d’or. La journée avait été épuisante. Malgré les roses trop rouges et le gâteau qui s’était fait bousculer, j’étais vite devenue ivre de sourire et de bonheur. Tu étais là, près de moi, ta main dans la mienne.

J’avais senti ton regard toute la journée. Mes yeux avaient écouté tes grands éclats de rire, fredonné avec toi notre première danse.

L’impression d’avoir été incapable de respirer depuis le matin se dissipait. Maintenant que les invités étaient tous partis, je pouvais enfin retirer mes chaussures, délacer un peu mon corsage, bâiller sans avoir peur de défaire mon maquillage ou ma coiffure.

J’entendis tes pas dans le couloir. Feutrés. Petites pattes de chatons sur un lit douillet. La porte avait à peine grincé et tu t’étais approché de moi. Doucement. Un souffle de papillon sur mon épaule dénudée.

— Tu es belle.

— Tu es ivre, riais-je en retour.

— Tout le monde est parti ?

— Oui. Il ne reste que nous.

Je m’étais retournée face à toi, souriante. Mes yeux dans les tiens, j’y voyais toutes les promesses qui n’étaient pas encore réalisées. Les espoirs de vie simple. Les rêves de voyages, de découvertes et de surprises.

Nous avons pris la route ensemble le lendemain. Nous voulions voir la mer, la péninsule. Entendre les vents hurler. Voir les vagues déferler sur les rochers, s’éclater en millions de gouttelettes sauvages. Imaginer les sirènes ondoyant près des écueils, offrant leurs chants.

Les deux pieds dans le sable, nous avions marché des heures. Tous les jours. Le temps s’était soudainement arrêté, laissant nos mains entrelacées raconter notre histoire, comme si tous les pores de notre peau appartenaient à l’autre, révélant des sensations surnaturelles. Nos yeux brillaient d’impatience chaque minute. Tu étais resplendissant.

— Qu’est-ce que tu dirais si nous écrivions un livre ? m’avais-tu demandé tout bas.

Le soir était tombé, notre feu de camp sur la plage était discret, mais apportait juste assez de chaleur pour nous deux.

— Sur quoi veux-tu écrire ?

Tu avais été pensif quelques secondes, plissant tes yeux verts, essayant de percer l’obscurité qui ne faisait que renvoyer l’écho de la marée montante.

— Sur nous, tiens !

— Nous ? Il n’y a pas grand-chose à dire !

— Je pourrais faire tout un chapitre sur la beauté de tes yeux, tu sais.

— À condition que nous parlions aussi de nos enfants.

— C’est promis, m’avais-tu dit en bâillant. Je devrai pratiquer mon style d’ici là !

J’avais souri dans la pénombre, déplaçant une petite bûche qui était tombée.

Le bruit des vagues s’était éteint. Les étoiles avaient semblé briller plus fort. Ta main sur mon ventre, tu n’avais cessé de répéter les mêmes mots: je vais être papa.

Lire également

Baliser, par Edward Beurdouche

Par: Edward Beurdouche

Le travail était simple, enfin, c’est ce que son employeur lui avait dit. Cela faisait donc deux mois que Médéric4 déplaçait des balises territoriales. Au début, il ne se posait pas de questions. Le jeune homme dirigeait le bras mécanique qui saisissait la tige émettrice clignotante et la positionnait à son nouvel emplacement. Les balises […]

Les chemins que l’on n’a jamais empruntés, par Fernand Lapointe

Par: Fernand Lapointe

Il a fabriqué des petites maisons pour crèches de Noël. Ce fut l’éclosion de ce talent créatif qui dormait en lui. C’est timidement, mais avec fierté, qu’il les a toutes vendues aux portes des gentes dames sur la rue. Dix ans, il avait. Il a entrepris des études technologiques en électronique. Seize ans, il avait. […]

Partager

Commenter