Christophe Degaule s’entretient avec l’auteure Chantale Proulx
Madame Chantal Proulx, pouvez-vous nous rappeler votre parcours littéraire et professionnel ?
Je suis formée en psychologie clinique et jungienne, en philosophie et en sexologie. Bien que j’aie toujours écrit pour des fins personnelles et de loisirs, c’est par le biais de la recherche et de l’essai que je suis publiée. Les thèmes de la maternité « psychique », de l’enfance, de la sexualité, et de la conscience me tiennent à cœur. J’aime recouvrir les réalités camouflées ou bafouées, faire les liens entre toutes les disciplines des sciences humaines, et les relier à l’archétype universel. Je me rends compte que je débute l’écriture d’un nouvel essai lorsque je découvre la symbolique inconsciente qui git derrière un phénomène social.
Pourquoi écrivez-vous? Par simple passion ou bien pour défendre une cause?
Mon processus réflexif prend la forme d’un essai lorsque la colère cherche son apaisement dans la recherche. J’écris par indignation, pour maintenir mon questionnement, et trouver des parcelles de réponses lumineuses qui risquent d’en éclairer d’autres. Un vrai écrivain, écrit Christian Bobin dans La lumière du monde, c’est quelqu’un qui vient chez moi et qui écarte de ma table les choses qui m’empêchaient de voir. Forcément, je poursuis mes recherches et j’écris pour trouver une confrérie de coeur et d’esprit, pour partager. La cause que je défends apparait très clairement dans mes essais et rejoint d’autres porteurs. L’écriture me prend toute entière. J’aime toutes les étapes de la création; la recherche, la rédaction, la correction.
Présentez aux lecteurs de L’Alinéa « Plaidoyer pour une enfance heureuse ». Pourquoi ce titre ?
Parce qu’il s’agit d’un véritable plaidoyer pour l’enfance moins malheureuse. Il y a bien des choses qui vont mal dans le monde, mais lorsque l’enfance est concernée, on est obligés de se mobiliser! L’enfance représente l’irréductible, l’avenir de l’humanité, l’antidote au mal dans le monde. Conserver une part d’enfance en soi n’est pas synonyme d’infantilisme mais équivaut à sauvegarder cette part de naïveté qui permet d’espérer, de s’investir avec enthousiasme. En tant qu’archétype du renouveau, l’enfance est ce qui existe de plus redoutable. Si chaque naissance évoque un nouveau possible, chaque parent ou adulte concerné par l’enfance, peut changer le cours des choses en accueillant mieux cette étape de la vie. Simplement dit, c’est en comparant les faits de ma société au développement optimal de l’enfant que j’enseigne depuis 25 ans que s’est présentée l’envie d’écrire ce plaidoyer; je crois fondamentalement que nous voulons tous bien agir bien que nous soyons souvent contraints par le discours social à demeurer ignorants des besoins spécifiques des petits. Cela n’a rien de nouveau, mais la guerre actuelle que l’on mène contre l’enfance prend des proportions alarmantes parce que les États sont impliqués de manière délétère.
Si vous aviez à conseiller un jeune écrivain que lui diriez-vous?
Je lui conseillerais de lire le début de Lettre à un jeune poète de R.M. Rilke. Il me semble que tout est dit dans cette réponse de Rilke au jeune poète :
Vous demandez si vos vers sont bons. (…) Votre regard est tourné vers le dehors ; c’est cela surtout que maintenant vous ne devez plus faire. Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. Il n’est qu’un seul chemin. Entrez-en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit : « Suis-je vraiment contraint d’écrire ? » Creusez-en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple : « Je dois », alors construisez votre vie selon cette nécessité. Votre vie, jusque dans son heure la plus indifférente, la plus vide, doit devenir signe et témoin d’une telle poussée. Alors, approchez de la nature. Essayez de dire, comme si vous étiez le premier homme, ce que vous voyez, ce que vous vivez, aimez, perdez.
L’écriture est exigeante, prend tout de soi, et se trouve peu souvent récompensée. Je pense qu’il faut écrire par désir profond, par simple nécessité intérieure, et qu’un tel artiste en vient forcément à adorer ses livres comme un écho de sa vie, indépendamment de toute critique sociale. Je conseillerais à un jeune écrivain d’aimer chaque heure consacrée à son projet d’écriture, à son processus de création.
Lire également
Mot de la présidente
Les jours qui s’allongent, la brise tiède qui s’attarde aux heures lumineuses de mi-journée et le patient dégel qui laisse découvrir jour après jour quelques verdures, çà et là, nous rappellent avec ravissement que le printemps nous revient et que les beaux jours sont à nos portes. Il en est de même pour la toute […]
De l’usage du « petit coup de rouge » dans la soupe
« Las mon cœur n’aime plus le goût de l’onde claire à présent qu’il connaît l’enivrement du vin. » Jeanne Grisé – «La coupe» Notre compatriote Jeanne Grisé eut sans doute aimé l’usage très courant dans les campagnes françaises qui consiste à verser dans le bouillon qui reste au fond de son assiette une […]