« On n’écrit pas tout seul. On écrit parce qu’on lit. On fait même du travail d’imitation par moments parce qu’on admire certains écrivains qui conversent avec nous. Par temps de pandémie, je converse plus avec eux qu’avec n’importe qui. »
Robert Lalonde, en entrevue dans La Presse Plus, du 7 février 2021.
Je collectionne des mots, des citations, qui nomment des lieux familiers, je les dépose comme des petits cailloux au fond d’un écrin invisible. Parfois je plonge aux côtés de personnages qui jalonnent les pages, lovée dans la douceur des couvertures je les reçois dans mon antre jusqu’au crépuscule. Par moments, je ralentis volontairement le débit de ma lecture pour savourer plus longuement cette présence sororale.
Chienne de Marie-Pier Lafontaine : « …les mères n’existent pas. J’en étais sûre… »
Il y aura toujours des enfants pour qui les mères n’existent pas. Moi aussi j’en étais sûre jusqu’à ce que la vie se niche en moi, d’abord dans mes habits de mère et puis dans ceux de grand-mère.
Boîtes d’allumettes de Martina Chumova : « J’arrache les pages de garde, où tu avais inscrit ton nom au stylo violet. Sans ta signature, ils semblent inoffensifs. »
Tes mots n’habitent plus mes étagères, la poussière se dépose sur le poids de ce passé où je n’avais pas de voix.
Les Falaises de Virginie de Champlain : « …je dors pour dessoûler du décalage de ma mère. »
Depuis ta mort, mon souffle a les couleurs de l’ivresse, je porte une joie féconde de berceuses.
Manam de Rima Elkouri : « Nous sommes nos silences encore plus que nos mots. »
Je me rappelle ces silences bucoliques, je respire le vent, j’effleure la rivière en fugue, je dessine le temps à la solitude.
Ténèbre de Paul Kawczak : « … dormait-il que d’une ombre de sommeil, par échancrures de nuit dans la chair des jours. »
Je veux m’endormir sur cette prose et observer l’ombre lumineuse. Porter au réveil les parfums de l’encre sur mes doigts coincés entre les pages.
La mort de Roi, de Gabrielle Lisa Collard : « Je suis rentrée chez moi en vitesse, frigorifiée, et mon appartement m’a enveloppée comme un bain chaud. »
Les saisons irisaient mes quotidiens; l’été portait une haleine de zéphyr, l’ocre marcescente d’automne s’accrochait dans le vieux chêne, l’hiver miroitait d’améthystes, le printemps m’enivrait des parfums du pétrichor.
Punaises de Laurent Lemay : « …je me suis étiré, passant mes mains derrière ma tête, puis j’ai éteint mes prothèses auditives, soulagé de retrouver la couverture du silence… »
J’adorais ces silences ouatés où je m’égarais dans une fugue de bohème.
Méconnaissable de Valérie Jessica Laporte : « J’ai bien écouté les règles et on ne m’a jamais informée que d’être aimé ou pas en était une. »
Je sombre dans les sourdes réminiscences de mon enfance.
La cuillère de Dany Héricourt : « …écouter la nuit disparaître à ses côtés… »
Ces échos d’obscurité berçaient tes rêves des cris d’anoures.
Rosa Dolorosa de Caroline Dorka-Fenech : « Plus Rosa cherchait plus les souvenirs saignaient de silence. »
Je demeurais tapie contre tous ces silences que tu hurlais.
Le tiers temps de Maylis Besserie : « Il fait de la musique même quand il écrit. »
Écoute le rythme des éphémères glisser sur les arpèges de mon poème.
Il fait bleu sous les tombes de Caroline Valentiny : « La voix chaude et dorée du violoncelle… »
Entre ces cordes frottées j’entends tes pas souffler sur les sentiers crevassés.
Rendez-vous à Colombo de Sarah Malartre : « …que le silence ait sa place dans l’écriture de la musique »
Je chuchote des blancs entre les interstices des planches de scène.
Mauvaises herbes Dima Abdallah : « …je sais ce que c’est d’écrire des poèmes à 6 ans. »
L’enfance solitaire se réfugie dans la césure d’un alexandrin.
Ce qu’il faut de nuit Laurent Petit Mangin : « …un moment qui ne m’apporte rien d’autre que d’être là, qui ne résout rien, rien du tout. »
Un dernier regard avant ta mort, sous la lune gibbeuse je n’avais jamais été qu’une enfant sélène.
Dans les geôles de Sibérie Yoann Barbereau : « … tuyaux azurins d’un orgue monumental, couleur d’eau et de glace… »
Couleurs hiémales qui m’enveloppaient dans une toile aux lueurs envoutantes.
Je n’écris jamais seule…
Pour Michelle Busseau, la retraite est un espace d’introspection, les ateliers d’écriture un espace de rencontres, les clubs de lecture, un espace d’échanges passionnés et la correspondance avec des amies et les petits-enfants, un espace d’écriture revigorante.
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