SI JE VOUS LIS, ME LIREZ-VOUS ?

Petite réflexion sur la réciprocité littéraire

Tous les auteurs devraient lire. Évidemment. Sinon, comment parfaire son écriture, comment savoir que ce premier jet que l’on trouve si original est en réalité une histoire mille fois racontée ? Difficile quand on n’a pas exploré ce qu’ont fait les autres avant nous.

Nous devrions tous lire, donc.

Lire est d’autant plus important que, comme auteurs, nous cherchons nous-mêmes à être lus (en tout cas, la plupart du temps). Les lecteurs font donc partie intégrante de notre processus de création, car ils sont ceux qui peuvent nous donner de la rétroaction, en plus de contribuer à faire vivre nos récits longtemps après leur mise au monde.

Récapitulons : nous devrions tous lire, et nous avons besoin d’être lus. Jusqu’ici, vous me suivez ? Bien. Poursuivons.

Comme vous l’avez probablement déjà remarqué, il n’est pas rare, entre auteurs, de discuter ouvertement de nos projets, qu’ils soient en chantier ou déjà bien en place sur les tablettes des librairies. Les sujets ne manquent pas ! Ensemble, on s’emballe, on pose des questions, on échange sur nos histoires, nos techniques, nos inspirations… Et, trop souvent, ça s’arrête là : on se contente d’en jaser.

On ne se lit pas beaucoup entre nous.

Je vous entends déjà d’ici. « Voyons, c’est complètement faux ! » Ah oui ? Combien d’entre vous connaissent bien certains auteurs sans jamais avoir lu leurs ouvrages ? Combien d’entre vous préfèrent lire le dernier livre de leur auteur préféré plutôt que celui d’un ou d’une collègue ? Combien d’entre vous ne prennent pas la peine d’explorer les œuvres de leurs amis si leurs genres ne les rejoignent pas ?

C’est bien ce que je pensais.

Hé, oh, ne vous méprenez pas : je suis tout aussi coupable que vous ! La plupart du temps, j’essaie d’avoir lu au moins un livre (ou un texte) des auteurs que je côtoie le plus… mais je n’y arrive pas toujours, pour toutes sortes de raisons. Bien sûr que j’ai mes genres de prédilection ; bien sûr que ce que les autres écrivent ne m’intéresse pas toujours ; bien sûr que je n’ai qu’une vie pour lire tout ce qui me fait vraiment envie, et que mon temps est précieux. Je suis humaine. Vous aussi.

C’est normal.

Ceci étant dit, on peut s’interroger. Se demander s’il ne serait pas aussi normal, par politesse, de s’intéresser un tantinet à la production de nos confrères et de nos consœurs. Après tout, si on ne lit pas les autres, pourquoi nous liraient-ils ? Tout est question ici de réciprocité. Faire partie d’un milieu, d’un écosystème, implique de se connecter aux autres. Pourquoi ne pas découvrir l’autre à travers sa création ? Que l’on aime le contenu ou pas, au moins, on en saura un peu plus sur ceux et celles qui nous entourent. Et ça, mes amis, ça peut s’avérer être un précieux cadeau. Bien entendu, on ne peut pas tout lire ni lire tout le monde ; mais on peut essayer de faire un petit effort, surtout face à ceux qui s’intéressent à notre travail. Pensez-y, la prochaine fois. Et, posez-vous la question.

« Si je décide de ne pas vous lire, pourquoi me liriez-vous ? »

 

Raphaëlle B. Adam est détentrice d’une maîtrise en création littéraire. Elle a remporté le prix Clément-Marchand en 2011 et a publié plusieurs nouvelles noires et fantastiques dans des revues et des collectifs. Elle travaille en tant que responsable de la programmation et des communications au Salon du livre de l’Estrie, et occupe le poste de secrétaire au sein du CA de l’AAAE.

Crédit photo : Marianne Deschênes

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