dans ma volonté de fuir
j’ai forgé mes chaînes
il était sans doute écrit
qu’à l’aube de ma vie
je devais céder ma liberté
servir une dame
aussi merveilleuse que toxique
changer ma peau en pleurs
et mes veines en vapeurs
pendre ma jeunesse
à la pointe de son aiguille
car cette dame n’est nulle autre qu’ardeur
malheur à ceux qui la croiseront
c’est contagieux
dans ma volonté de changer
j’ai forgé un rituel
les jours s’enchaînent
et avec eux
les tentatives d’arrêter
voyageuse solitaire
à destination
de son point de départ
soudainement
je ne maîtrise plus la nage
mes dernières années passées dans l’eau
disparues
je désire tant qu’on me lance une bouée
mais il n’y a personne à l’horizon
dans ma volonté d’être libre
j’ai forgé mon tombeau
je perds à chaque marche
le pouls et l’haleine
la sueur au front
l’estomac démeublé
le corps froid
dans ma volonté d’être heureuse
j’ai forgé ma colère
cette colère qui me ronge
car je n’aime pas
le verbe abandonner
elle éclate en débris de verre
me dévaste les entrailles
elle creuse
dans une mémoire
déjà douloureuse
dans ma volonté de vivre
j’ai forgé ma fin
quand je ferai mes bagages
que personne ne prenne le deuil
qu’on mélange ma poussière
à de la gomme-laque
pour en faire un disque
sur l’étiquette duquel on écrira
elle a cessé de fuir
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