J’apprécie trois critères dans un roman : sa lecture me divertit, m’offre un apprentissage et m’élève l’esprit. Le roman de Michèle Plomer Étincelle possède les trois. L’écriture de cette histoire est comme une toile bien tissée, harmonieusement délicate, délicieusement intime; nous apprenons sur le monde des chinois, leur façon de vivre, l’importance des liens familiaux, leur grande retenue et les conséquences de la Révolution; et le plus important, nous assistons à un dépassement humain.
PARLE-NOUS DE TON RÊVE INITIAL :
TU SOUHAITAIS MARIER DEUX CONTINENTS,
DEUX SAVOIR-FAIRE, DEUX SAVOIR ÊTRE.
Michèle Plomer : En fait, pour moi l’écriture part toujours d’un besoin, plutôt que d’un rêve. D’un besoin criant ! Étincelle raconte un fait réel : un accident survenu à ma grande amie chinoise et l’histoire merveilleuse de son retour à la vie, soutenue par un tissu de personnes remarquables. Je voulais rendre hommage à mon amie, à sa soif et sa joie de vivre, ainsi qu’au courage de ceux qui sont restés à son chevet et qui se sont battus contre le régime politique de diverses manières afin qu’elle obtienne des soins et qu’on reconnaisse la faute à l’origine du drame. À l’époque où les faits sont survenus, j’écrivais bien tranquillement mon premier roman Le jardin sablier en cachette. J’étais loin de penser que je serais publiée et qu’un jour l’histoire de Song pourrait faire l’objet d’un roman. Si je n’avais pas été romancière, j’aurais fait connaître Song autrement. Peut-être en criant mon admiration et mon amour pour elle sur tous les toits…
POURQUOI AS-TU ÉCRIT CE LIVRE SUR L’AMITIÉ ?
TA MOTIVATION PREMIÈRE ?
L’amitié est un peu le parent pauvre des relations humaines dans la littérature. Pourtant, dans notre société contemporaine, c’est un lien parfois beaucoup plus solide que celui de la famille ou de l’amour. De plus, la question de l’amitié m’intéresse. Dans Dragonville, je pensais écrire une saga amoureuse, et je me suis laissée prendre en cours d’écriture par le lien d’amitié entre les personnages de Jean et de Sylvie, ainsi que par l’amitié ambiguë entre Li et le Capitaine Matthews. Je trouvais ces relations fort texturées et finalement plus intéressantes que l’histoire d’amour qui est la trame principale du roman. Donc après Dragonville, je m’étais promis d’explorer à fond l’amitié…et je pense qu’Étincelle est un roman d’amour ! Dans le fond, ce n’est jamais moi qui décide ce qui va sortir de ma plume…
TOUS TES PERSONNAGES SONT INTÉRESSANTS,
À PART SONG, LEQUEL PRÉFÈRES-TU ?
En fait, tous les personnages dans mes romans m’intéressent et font soit avancer l’histoire ou apportent un peu d’épices au roman. J’ai toujours beaucoup de plaisir à imaginer les rôles secondaires ou tertiaires. Par exemple, la vendeuse de médicaments de contrebande avec son buffle, ou l’infirmière qui a un fils qui ne réussit pas bien à l’école. Parce qu’ils sont conçus pour apporter de la couleur au roman et que la trame ne repose pas sur leurs épaules, je peux m’amuser à exagérer leurs traits ou comportements. Du bonbon !
L’AMOUR AVEC LEMON,
SES TOUCHERS THÉRAPEUTIQUES, J’ADORE.
PEUX-TU DÉVELOPPER SUR CET AMOUR
CORPS-ESPRIT QU’ILS SEMBLENT VIVRE.
UN AMOUR SPIRITUEL ?
Être auprès de Song pendant son séjour à l’hôpital a été un des plus grands privilèges de ma vie. J’ai été témoin de toutes sortes de gestes qui démontrent à quel point l’humain est bon, généreux et doué de talents insoupçonnés et parfois mystérieux. Les vrais médecins, infirmières et infirmiers qui m’ont inspiré les personnages de Lemon et du Japonais mariaient la médecine occidentale à des pratiques de médecine chinoise avec naturel et assurance. Preuve selon moi, que nous devons cesser d’essayer de démontrer quelle est « la meilleure médecine » et plutôt écouter, regarder et mélanger le meilleur de nos deux cultures, de nos deux sciences et de nos deux mondes. J’ai une admiration sans bornes pour les travailleurs de la santé. Il est grand temps que les acteurs politiques leur permettent de travailler dans des conditions sécuritaires et constructives, et par le fait même permettre aux patients d’être soignés avec diligence et dans la dignité.
ÉCRIRE NOUS APPORTE TOUJOURS UN CADEAU.
QUELLE A ÉTÉ TA PLUS GRANDE RÉCOMPENSE
EN ÉCRIVANT ÉTINCELLE ?
Écrire, puis être lue est un privilège immense. Avec chaque roman, j’en prends davantage conscience. Étincelle m’a permis de parler de certains aspects plus sombres de la Chine contemporaine et de l’écart qui se creuse entre les privilégiés et les autres partout sur la planète, tout en demeurant dans la lumière. Par mon travail, j’essaie de témoigner de la beauté du monde et offrir au lecteur une plage de réflexion tranquille, ou simplement quelques heures de plaisir et de détente. Pour moi, la plus grande récompense c’est qu’une lectrice me dise que mon roman l’a aidée à passer à travers un deuil, ou qu’elle l’a offert à une amie qui prend l’avion pour aller chercher son bébé en Chine, ou à une belle-sœur qui le lit pendant ses traitements de chimiothérapie. Je vous avoue que parfois suite à de tels témoignages, je m’effondre en pleurs dans mon bureau et je remercie le ciel pour la chance qui m’est donnée d’écrire.
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