Lecture

Oh! quelle volupté! Lire!
Entendre, oubliant nos maux,
Tous les frissons de la Lyre
Exprimés avec des mots!

Et regarder les estampes,
Quand voltige et tremble un peu
Sur la blancheur de nos tempes
Le rose reflet du feu!

Sans les toux préparatoires,
Le Livre, doux et charmant,
Nous raconte des histoires,
Mais silencieusement.

Les caractères en foule
S’en vont d’un pas leste et fin,
Et le conte se déroule
Comme une étoffe sans fin.

Nous voyons les belles phrases
Construites selon nos vœux
Nous montrer des chrysoprases
Dans les ors de leurs cheveux.

Et menant la mascarade
Sous les rubis indiens,
Les mots qui font la parade
Sont tous des comédiens.

L’un que la louange flatte,
Apparaît tout radieux,
Portant la pourpre écarlate;
Il fait les Rois et les Dieux.

Tel, qui parmi nous émigre,
Nous vient du pays latin,
Et tel autre est, comme un tigre,
Plus rayé que Mezzetin.

Quelle joie! auprès de celle
Dont le regard plein de jour
Même dans l’ombre étincelle,
Lire des strophes d’amour!

Mais lire est plus doux encore
Lorsque le Temps envieux
Avec sa neige décore
Notre front devenu vieux.

Alors, penché sur son livre,
Le vieillard, qu’on trouble en vain,
Dit à l’Archer toujours ivre:
Je ne bois plus de ton vin.

C’est fini des soins moroses!
Je n’effeuille plus de lys
Ni de rougissantes roses
Pour Silvie ou pour Philis.

Sans colère, il dit à maintes
Cruelles aux fronts pâlis:
Églés et fières Amintes,
Ne fredonnez pas. Je lis.

Il dit: Chez moi je n’accueille
Ni Lisettes ni Lizons.

Il n’est plus temps que je cueille
Des violettes. Lisons.

Auteur : Théodore de Banville (1823-1891)

Tiré du recueil : Dans la fournaise (1885)

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