L’Association des auteures et auteurs de l’Estrie est fière de vous présenter le Dossier Création qui rassemble ici trois textes de fiction. Un grand merci à nos trois auteurs et auteures qui se sont prêtés au jeu de la création inspirée du thème de l’inspiration.
Bonne lecture !
LA DESCENTE
Examen : production écrite. Autour, les élèves regardent dehors. Ils cherchent l’inspiration dans les arbres et les oiseaux. Ils aiment leurs couleurs. Moi, je suis inspirée par ce qu’il y a de plus laid à l’intérieur de moi.
Je tourne mes yeux vers l’intérieur de mon crâne et j’y glisse. La descente est abrupte et noire. Tout au fond, j’y rencontre des masses informes sur lesquelles j’appuie pour faire monter une douleur sourde. Ce n’est pas la première fois que j’y descends. Il m’arrive de ne plus retrouver la sortie. Je reste coincée entre les parois humides de mon corps plus longtemps que prévu.
Encore une fois mes yeux reprennent leur sens dans leur orbite et la période est écoulée, les élèves ont fini d’écrire. Ils ont plongé dans des vies qu’ils inventent, et dont les fins sont toujours belles. Ils sont satisfaits. Pas essoufflés.
Quand je dépose mon cahier d’examen sur le bureau de mon enseignante, je la vois qui fronce déjà les sourcils. Ses mains tremblotent. Je sais qu’elle écrira « Bon texte, mais un peu sombre » sur ma copie. Elle aura pesé ses mots. Elle le fait toujours.
Mon enseignante a peur du noir. Mes textes lui rappellent les monstres sous son lit d’enfant. Les cauchemars de labyrinthes.
Une fois, elle m’a gardée sur l’heure du dîner. Elle a bredouillé : « Ton texte… le lecteur s’y noie. Il faut lui laisser un espace où respirer. » Elle avait mis beaucoup de rouge sur la copie qu’elle poussait vers moi pour la soustraire de sa vue. J’ai hoché la tête. Je comprenais son effroi. Le partageais. Mais je ne sais pas faire autrement. Je m’agrippe aux autres pour garder la tête hors de l’eau. J’arrive à prendre quelques bouffées d’air pendant qu’eux se débattent dans les profondeurs.
Je suis sortie de la classe comme je le fais maintenant, sourire plaqué. On me croise dans le couloir de l’école et on ne devine pas la mort qui souhaite me sortir par le bout des doigts.
Je ne ressemble pas à cette fille qui noie les autres en légitime défense.
Mélanie Boilard est coordonnatrice de l’Association des auteures et auteurs de l’Estrie et a terminé en décembre 2018 sa maîtrise en création littéraire à l’Université de Sherbrooke. Son mémoire porte sur la problématique de la bonne distance dans la relation mère-fille. Quelques revues, dont Cavale, Virages, Le Crachoir de Flaubert et Nyx, ont hébergé certains de ses textes.
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