À la petite école, les mots jaillissent de mon crayon. J’adore la composition française et y excelle. Mon seul chagrin, le temps d’écriture est limité. Crispée sur ma page, je me hâte et halète. Quand je serai grande, je serai écrivaine !
Puis, la vie suit son cours et me conduit ailleurs. À l’heure de la retraite, j’ai la chance d’habiter un village littéraire. Le festival d’été des Correspondances d’Eastman ne dure que quelques jours, mais l’atmosphère y plane toute l’année, particulièrement à la bibliothèque. Cette ambiance a réveillé mon goût d’écrire. Hélas, la fougue de ma plume et la confiance naïve de mes neuf ans avaient vieilli.
Je découvre alors les ateliers d’écriture de l’Université du Troisième âge à Magog. Je m’inscris. En apprenant que nous devrons lire nos textes devant le groupe, je deviens soudain anxieuse. Tant pis, je me lance. Après un rappel des règles, l’animatrice donne les consignes et le silence s’installe dans la salle. Les crayons grattent le papier aussi vite que possible. Ai-je à nouveau neuf ans ? Qui commence la lecture de son texte ? Les plus aguerries lèvent la main. On écoute, on sourit, on est ému ou on éclate de rire. Les commentaires de l’animatrice et des participants sont toujours encourageants. Il règne entre nous une telle ambiance d’entraide et de camaraderie que la session finie, nous nous retrouvons durant l’été pour écrire encore ensemble.
Depuis douze ans maintenant, une matinée par quinzaine, la bibliothèque héberge les écrivains d’été que nous sommes. Nous préparons l’atelier à tour de rôle sur des thèmes ludiques d’où jaillissent des textes joyeux et cocasses.
Comme plusieurs, je n’ai pas un parcours littéraire, mais je désire coucher sur papier des anecdotes, des récits de voyage, des étapes de vie ou même une biographie de famille afin de la laisser à mes petits-neveux. Certains, dont je suis, sont titillés par le concours Interlettre des Correspondances d’Eastman. J’ai relevé le défi. Lorsque j’ai lu le courriel m’annonçant que j’étais finaliste, j’ai bondi et j’ai dansé avec la chaise.
Après toutes ces années, mon rêve prend vie. Je suis fière que mon petit talent ait été reconnu. Un bonheur silencieux m’envahit le corps et l’âme comme un grand sourire.
Française d’origine et Québécoise d’adoption, Mireille Guyonnet s’intéresse à la littérature depuis de nombreuses années. Fréquentant les ateliers d’écriture, elle a gagné à quelques reprises le concours L’Interlettre des Correspondances. En 2015, elle a signé une biographie portant le titre La vie est comme le jus de pomme, meilleure avec du brandy.
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