Commentaire de lecture à Propos du titre Et nous ne parlerons plus d’hier de July Giguère (Léméac, 2017)
En 2009, July Giguère a remporté le Grand Prix de la Ville de Sherbrooke pour son recueil de poésie Rouge – presque noir. Cet automne 2017, elle publie un premier roman chez Leméac. Et nous ne parlerons plus d’hier raconte, dans un double récit, le voyage d’une jeune femme partie au Mexique sur les traces de son enfance. Mais ce sont celles de son père exclu de la vie familiale qui font surface.
Le lecteur suit les deux personnages en alternance, dans une suite de 37 chapitres où les actions se succèdent dans le temps (présent et passé) et dans l’espace (la Beauce, l’Ontario, l’Ouest canadien, le Mexique). La narration est assurée par la fille: un chapitre au JE, le suivant au TU, etc. Ce va-et-vient confère au récit une cadence soutenue : le lecteur, emporté par cet effet balançoire, découvre tantôt la narratrice (enfant de famille éclatée), tantôt le père (qui traîne derrière lui un passé difficile d’enfant de ferme).
La narratrice, travailleuse en congé d’un CLSC de Sherbrooke, s’installe dans une casita au Mexique (son séjour durera un peu moins de deux mois). Elle veut raconter l’histoire de sa famille, se retrouver elle-même surtout, mais l’image du père surplombe tout. Qui est ce père? Quelles images les lieux autrefois habités par la famille feront-ils advenir? « Jusqu’à vingt ans passés, j’évitai les magasins où entraient des hommes aux cheveux noirs, les parcs sans enfants, les allées vides à l’épicerie, les rues trop longues avec leurs voitures lentes, de peur de me retrouver seule devant toi un jour. » (p.62) De quoi cette femme a-t-elle peur au juste? Trouvera-t-elle des réponses à cette privation de père? Parviendra-t-elle à débusquer la vérité?
Le TU
La narratrice, dans un appel à témoin telle une adresse au père, cherche à s’en approcher. Conversation avec l’absent, le père-fantôme auquel elle n’a à peu près pas eu accès. Qu’a-t-elle à reprocher à cet homme? Que se souhaite-t-elle pour elle-même? Une ombre plane au fil du récit alors que l’intrigue est installée dès la page 13. Après être venu souper avec sa fille sur la rue Murray, le père est sur le pas de la porte : « Tandis que tu parlais, la nuit était tombée; j’avais cherché sans les trouver les mots pour en décrire l’indigo sombre et mat. » Plus loin, elle ajoute : « Avant de franchir le seuil, tu t’étais penché pour m’embrasser sur la joue; j’avais fermé les yeux et regretté que tu ne sois pas déjà loin, ailleurs. »
N’en révélons pas trop… l’auteure elle-même ne dit pas tout. Elle laisse de l’espace à son lecteur. À ce point qu’on a tout de suite envie de replonger dans Et nous ne parlerons plus d’hier. Cette fois, pour mieux savourer la force poétique du récit de July Giguère.
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