RICOCHET. LOUISE SIMARD RÉPOND À GINETTE BUREAU

Chère Ginette,

Tu me demandes quel livre je n’ai jamais pu oublier. Il y aurait tellement de réponses à cette question! J’ai toujours eu l’impression que les livres venaient à nous quand nous avions besoin d’eux, et j’ai très souvent eu besoin des livres. Alors, la liste s’étire dans ma tête, aussi longue qu’une vie. Comment oublier Le Loup des steppes, de Hermann Hesse, qui a fourni quelques réponses à mes angoisses de jeune adulte? J’ai également une dette envers Anne Hébert et Gabrielle Roy. Leurs romans m’ont donné la permission d’écrire, alors que François Mauriac et Gilbert Cesbron ont été mes premiers maîtres. Avec Robert Merle et sa série Fortune de France, j’ai découvert l’Histoire, la plus noble, celle des petites gens et de leur héroïsme. Tous ces livres et beaucoup d’autres m’ont tant appris et tant émue que je ne pourrai jamais les oublier.

Pourtant, si je veux vraiment être honnête, surtout avec moi-même, je dois avouer que le livre qui hantera ma mémoire aussi longtemps que je vivrai, c’est Heidi, de Johanna Spyri. J’ai reçu ce roman en cadeau quand j’avais neuf ans. Dès les premières pages, j’ai acquis la certitude qu’il avait été écrit pour moi. Heidi, c’était moi et personne d’autre! À cause de circonstances familiales particulières, j’ai beaucoup fréquenté ma grand-mère et nous avons tissé un profond lien d’affection, comme Heidi avec son grand-père. D’ailleurs, le premier chapitre de mon premier roman s’intitulait «Grand-mère».

Heidi, c’était tout ce que j’aimais sans le réaliser encore pleinement : la nature, qui m’est devenue indispensable avec le temps, la légèreté des fleurs et des papillons, le pépiement des oiseaux, le gazouillis du ruisseau, l’écorce rugueuse des arbres. C’était aussi la liberté que je revendiquais sans pouvoir la nommer et l’immense besoin de solitude que je ne savais expliquer. Une solitude pleine d’un imaginaire débordant. Je l’ignorais, bien sûr, à cet âge-là, mais la montagne que Heidi aimait tant deviendrait ma passion à moi aussi. Bref, ce petit roman contenait tout ce que je deviendrais et qui ferait ma vie et ma joie.

Je possède ce livre depuis soixante ans. Il a survécu aux nombreux déménagements, aux crocs destructeurs d’un chiot «amoureux» des livres, aux verres de jus renversés, bref, à toutes les déchirures du temps. J’ai donné, prêté (sans espoir de retour…), perdu, jeté des dizaines et des dizaines de livres, mais celui-ci restera toujours avec moi, parce qu’il me parle d’une enfance où tout était déjà écrit.

J’aimerais à mon tour poser la question suivante à Mylène Gilbert-Dumas : Comment choisis-tu tes sujets de roman?

Louise Simard    

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