COMMENTAIRES DE LECTURE

Nous avons demandé à nos membres de nous faire part de leurs lectures pendant la pandémie. Quels livres, quels auteurs ont-ils découvert ou redécouvert. Voici donc leurs suggestions !


Une volée de bois bien méritée
par Jason Roy

Les promesses trahies de la modernité, qui devaient nous amener bonheur et liberté, sont un os sur lequel de nombreux auteurs, philosophes et penseurs se sont plu à gruger depuis un certain temps déjà. Ajoutons à cela les chantres de l’écologie qui, sans avoir tort, bien entendu, tombent parfois dans un délire dogmatique assez rébarbatif au commun des mortels lorsque vient le temps de mélanger des ingrédients tels que l’homme, la nature et l’époque actuelle. Dans ce contexte, on aurait pu craindre que le dernier François Landry, judicieusement titré Le bois dont je me chauffe, soit un autre de ces brûlots environnementalistes venant sournoisement pétrir notre culpabilité individuelle et collective. Pourtant l’auteur, avec une justesse remarquable, arrive à nous mettre face à nos contradictions. Le tout appuyé de références et d’anecdotes si croustillantes qu’on peine vraiment à ne pas sauter à pieds joints dans le chapitre suivant.

Car c’est la force de cet ouvrage, désigné comme « récit » – faute de mieux, j’imagine – mais qui en réalité tient plus de l’essai sur lequel on aurait brodé des récits, parfois isolés, parfois entrelacés avec les suivants, dont la puissance est d’imager le propos de Landry à travers la perspicacité de l’expérience vécue. Moments de bonheur, souvenirs, moments de désarroi ou objets de révolte, plongées profondes au cœur de la forêt laurentienne. Les contacts avec la faune, notamment aviaire, sont autant d’occasions comme autant de tremplins pour montrer ce que signifie « prendre la nature à bras le corps » et comment, surtout, cela nous fait défaut.

Ce livre, qui pourrait être le réquisitoire de toute une génération, m’apparaît comme un trait d’union nécessaire, une œuvre-clé pour bien saisir comment nous en sommes arrivés à la relative débâcle (environnementale et sociale) actuelle. L’œuvre insiste sur notre rapport collectif à la nature, certes, mais en mettant aussi en lumière l’espace étouffant post-babyboomers dans lequel on assistera, non sans une certaine impuissance, à l’effacement généralisé des liens qui unissaient si fortement notre peuple et son territoire.

Dans ce monde plongé dans la pandémie, où les lignes de fractures semblent s’approfondir inexorablement entre des pans entiers du Québec, Le bois dont je me chauffe est un rappel essentiel que ces forêts et cette faune méritent bien plus que le décor de fond d’écran ou la balade annuelle au parc national. Notre nature est partie intégrante de notre tissu culturel. S’en éloigner, ne plus savoir en profiter dans le respect, en vivre, c’est s’effacer nous-mêmes.


Frissons de plaisirs et d’horreurs
par Marie Sirois

Cette histoire en nouvelles et fragments m’a fait voyager en Estrie. Troublée, je reconnaissais villages, routes, collines ou bâtiments malgré les impacts étonnants d’une singulière apocalypse.

Les auteur.e.s, Estriennes et Estriens de naissance ou d’adoption, se sont relayés pour maintenir une histoire cohérente et divertissante évoluant dans un décor post-apocalyptique. Chacune et chacun y va de son style, ce qui donne l’impression d’un bouquet de plumes.

Grandeurs et petitesses des protagonistes, richesse des contenus, esthétisme et sensualité, ambiances surréalistes. Après plusieurs mois, des scènes et des personnages me visitent encore :  l’accident d’avion au Mont Bellevue, la catastrophe au Centre 24 Juin, le sous-sol de la chiromancienne, la renaissance du parvis dans une célébration de l’art…

Frissons de plaisir ou d’horreur, cœur battant, souffle court : un banquet d’émotions.


Un roman qui respire le bonheur…
par Pierrette Denault

L’écriture de Michèle Plomer fait écho à son amour des territoires : après son jardin, la Chine, Magog, elle nous entraîne cette fois dans le Grand Nord dans les pas de sa mère qui, à l’âge de 70 ans, sort de sa retraite et s’en va travailler à Puvirnituq. La vie là-haut, est faite de rencontres avec les habitants du village – les jeunes plus particulièrement – mais c’est aussi d’échanges de courriels avec le Sud où sa fille est en résidence d’écriture.

Dans un va-et-vient incessant, on retourne dans le passé de Monique dans les années 50, on revient à l’écrivaine qui s’inquiète pour sa mère, mais qui est fascinée par sa vision du monde. Tellement qu’elle finira par s’en inspirer et en faire l’héroïne du roman qu’elle écrit. Habiller le cœur est un roman qui respire le bonheur et qui témoigne d’un grand amour filial.


À RELIRE

Anne Hébert, une grande écrivaine
par Pierrette Denault

Lors du centenaire de la naissance de cette grande écrivaine québécoise, les auteurs nous ont offert un album exceptionnel retraçant la vie d’Anne Hébert. On la suit à la trace depuis sa naissance à Sainte-Catherine en 1916 jusqu’à son décès à Montréal en l’an 2000.

Les documents proviennent du fonds Anne Hébert du Service des bibliothèques et archives de l’Université de Sherbrooke. On y voit des lettres échangées avec la famille, des articles de journaux, des photos de jeunesse, d’autres relatant ses débuts d’écrivaine et ses années en Europe, d’autres encore qui témoignent de la reconnaissance internationale qu’on lui a vouée.


L’or des fous, une thématique toujours actuelle
par Pierrette Denault

Le roman raconte l’histoire tragique de deux enfants, le frère et la sœur, qui, maltraités par leur père – finiront-ils par s’en débarrasser? – entretiennent une saine relation fraternelle, qui les aidera à atteindre la liberté. Pour oublier les sévices dont ils sont victimes, ils se créent un univers singulier où ils peuvent enfin vivre, en recourant à un langage codé qu’ils empruntent au règne minéral.

« L’or des fous donne la parole à des enfants de l’ombre, dira la romancière, et leur alliance leur communique la force nécessaire pour affronter la violence familiale. » Un roman qui aborde de front un thème toujours actuel.

 

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