En 2021, j’ai publié huit livres pour les 0 à 17 ans… On me demande souvent s’il m’arrive de dormir et de me reposer. Comment est-il possible d’écrire des romans tout en étant la maman d’un garçon de 8 ans, d’avoir un travail à temps plein, diverses implications et une vie sociale bien remplie ?
Ai-je une vie en parallèle ? Un super-pouvoir ?
La vérité va vous décevoir. J’écris… dès que je peux. J’écris… tous les jours. Ne serait-ce que quinze minutes par jour. Et cette stratégie est la meilleure pour moi…
Avant d’avoir une famille, je croyais qu’il me fallait des plages horaires dédiées à l’écriture. Je m’étais alors créé une routine de six jours de travail par semaine. Du lundi au vendredi, j’étais au boulot et le samedi, de 8 h à parfois très tard en soirée, j’écrivais mon roman. Ma matinée de rédaction consistait à me relire et à me remettre à jour, puis, je passais les heures d’ensuite à écrire.
En 2013, trois ans après avoir publié mon premier roman, je suis devenue maman. J’ai vite constaté que mes samedis ne pourraient plus être consacrés à l’écriture… Ma vie de famille était désormais trop prenante et, avouons-le, j’ai envie de voir grandir mon fils et de profiter de bons moments en compagnie de mes deux hommes.
Mais comment faire pour me remettre à l’écriture ? Le besoin d’écrire se faisait sentir, mais je ne trouvais plus le temps. Une amie auteure m’a alors proposé une nouvelle routine de travail, dont la seule obligation était : ÉCRIRE TOUS LES JOURS, ne serait-ce qu’une seule ligne… Je me suis alors rappelé que j’avais déjà eu cette discipline, lorsque, adolescente, je tenais un journal intime. Il me suffisait donc de reprendre cette bonne habitude.
Depuis ce jour, ma routine est désormais la suivante : du lundi au vendredi, je consacre entre quinze à trente minutes par jour à l’écriture. Les samedis et dimanches, j’écris environ deux heures en matinée, puis je profite du reste de la journée en famille. Je suis encore étonnée de l’efficacité de cette méthode qui comporte de nombreux avantages… Car si j’écris encore durant une période approchant les huit heures par semaine, comme avant, mon temps est plus productif que jamais et j’aligne beaucoup plus de mots qu’auparavant. Bien sûr, j’ai aussi plus d’expérience que je n’en avais, mais je demeure persuadée que ma nouvelle routine me permet d’être plus prolifique que jamais…
Lorsque je n’écrivais qu’une seule journée par semaine, je prenais souvent plusieurs minutes à me relire et à me remettre dans l’histoire. Je perdais alors un temps fou à retravailler mes textes qui, au final, devraient être réécrits de toute façon lors de l’étape de la révision… En écrivant un peu, tous les jours, l’histoire demeure toujours fraîche à mon esprit. Je n’ai donc qu’à reprendre le manuscrit là où j’en étais et à le poursuivre sans me questionner sur l’intrigue.
De plus, en écrivant tous les jours, mes personnages ne me quittent jamais complètement. Ils ne peuvent pas s’endormir. J’ai besoin d’eux, à tout instant… Ils me suivent dans la voiture alors que je me rends au travail, lorsque je vais courir sur l’heure du dîner, et ils demeurent dans un coin de mon cerveau et je n’ai qu’à les faire sortir lorsque j’ai du temps.
Mon histoire se crée ainsi plus vite dans ma tête que sur papier. Les scènes montent à mon esprit et restent emprisonnées pendant des heures avant que je puisse ENFIN les écrire. Lorsque je m’assois à mon ordinateur, je ne suis donc jamais dans l’attente qu’une scène se présente à moi. Non, elles se bousculent dans ma tête et elles jaillissent de mes doigts, sans que j’aie à y penser, car tout a déjà été réfléchi.
Je me rends également compte que le sentiment d’urgence me rend plus productive. Plus j’ai du temps devant moi, plus j’ai tendance à procrastiner… Les réseaux sociaux se font envahissants, le ménage m’appelle, je fais autre chose… Ainsi, pour moi, plus le temps dédié à l’écriture est long, plus l’écriture devient lourde. Chaque ligne me prend une éternité, car je cherche à atteindre la perfection. Je me pose alors plus de questions et cela rend la rédaction moins agréable et limpide… Lorsque je n’ai que quelques minutes devant moi, j’écris sans réfléchir. Vite ! Il faut que ça sorte. Je me relirai plus tard…
Surtout, je n’ai jamais eu autant de plaisir à écrire. En effet, chaque jour, je me lève avec l’envie d’écrire et en me demandant quand je pourrai prendre quelques minutes dans ma journée pour continuer mon roman. J’attends avec impatience le moment où mes doigts se feront aller sur le clavier. Il m’arrive par ailleurs de devoir interrompre ma séance d’écriture en plein milieu d’une scène pour reprendre le travail ou aller à un cours avec mon fils… Imaginez alors ma hâte de retrouver mon clavier… Oui, c’est souvent frustrant, mais ô combien efficace, à condition de ne pas oublier ladite scène.
Avec cette nouvelle routine d’écriture, j’ai dû apprendre à lâcher prise sur les idées. Mes histoires sont en mouvement ; les idées viennent et repartent. Je me dis que celles que j’écris seront celles qui permettront à l’histoire d’être la meilleure possible. J’ai appris à faire confiance au processus créatif. C’est terriblement libérateur de se faire confiance ! Et si je coince sur une scène ? J’en prends une autre et je laisse l’autre dormir. Je vais y revenir. Je le sais. Je l’ai vécu plus d’une fois…
Écrire chaque jour demande de l’énergie et une certaine discipline. Il faut le prendre ce temps. Il faut le trouver. Pour ma part, je me lève parfois plus tôt pour écrire, j’y consacre souvent une partie de mon heure de dîner et il m’arrive d’écrire en soirée, mais c’est plus rare, car la fatigue et l’écriture ne font pas bon ménage pour moi. Quand je suis en feu et qu’une scène ne me quitte pas, je peux même profiter de ma pause au travail pour sortir des idées sur papier. Oui, quinze minutes peuvent être plus efficaces que quatre heures ! C’est ainsi que j’arrive à écrire tout en conservant un certain équilibre dans ma vie… mais le plus important, c’est que grâce à cette routine d’écriture, je conserve mon plaisir d’écrire.
Depuis sa plus tendre enfance, la principale passion d’Amélie Bibeau est l’écriture et la lecture. Avant de se lancer dans l’écriture de romans, elle a été libraire pour la jeunesse et critique de romans pour adolescents. Elle aime faire réfléchir et a pour objectif d’aider les jeunes à se sentir moins seuls.
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