Il y a des expériences dans la vie qui passent sans laisser de traces et d’autres qui restent marquées à tout jamais dans nos tiroirs secrets. Ces mémoires indélébiles se sont transformées en une source d’inspiration qui m’a permis de mettre sur papier mon deuxième ouvrage, un récit à quatre temps conciliant réflexion et espoir pour tous ceux et celles qui, comme moi, se sont laissé emporter par le courant des Départs imprévus…
Mes souvenirs de vacances avec mes « vieux » au bord de la mer, en juillet 2014, m’incitent à la rédaction de ce texte, à décrire en quelques lignes un parcours devenu évocateur.
Nous étions assis, serrés sous le parasol; droit devant, le spectacle du va-et-vient des vagues. Donald, l’homme de ma vie, maman, papa et moi nous racontions, avec autant d’éclats de rire que de larmes, nos plus belles histoires de famille. De tels souvenirs, même s’ils ne durent qu’un instant, sont inoubliables.
Mémorables comme furent les épisodes équestres dès notre retour du Grand Bleu. Le mois suivant, nous décidions, Donald et moi, de participer à quelques concours hippiques avec notre belle jument Karmina. Même si ces concours demandaient plusieurs heures de préparation, nous avions en revanche la chance de vivre des moments de pur bonheur.
En selle sur ma Bella, nous nous présentions ensemble dans la carrière pour l’exécution de figures imposées en dressage. Resplendissante comme jamais et au meilleur de sa forme, Karmina maîtrisait devant les juges un je-ne-sais-quoi qui, presque à coup sûr, rehaussait notre score. Je savais que sa prestance et son assurance l’avantageaient et qu’à sa sortie du manège, si elle n’avait pas trop trébuché dans les allures allongées, nous réussirions à nous classer pour le ruban rouge. Sourires et joies de la saison estivale se révélaient modestement être la vie !
Peu après l’arrivée de l’automne, la quiétude des vagues, les mémoires à odeur saline, les allures de galop et ses rosettes couleur feu se sont dissipés en coup de vent. Comme si, sans avertissement, quelqu’un avait tiré le tapis sous mes pieds. Le scénario des mois et des années de bonheur s’était rapidement transformé en cauchemar que j’imaginais sans fin.
Deux fois septembre, deux mois d’octobre, trois automnes, quatre départs : le premier, celui de mon père, parti à l’improviste en octobre 2014. Trois semaines plus tard, ma jument Karmina est conduite à son dernier repos. En septembre de l’année suivante, ma petite chihuahua, Jene, s’écroule du haut de ses quinze pouces. Quelques mois plus tard, ma mère rend l’âme à la suite d’intenses douleurs. Il va sans dire que ces grands départs m’ont littéralement jetée par terre : rien n’est plus comme avant. Il faut bien l’écrire même si ça fait mal ! Je n’avais jamais imaginé que laisser partir ceux qu’on aime pouvait bousculer la vie sans bon sens.
Rien de tout cela n’était écrit dans le scénario que j’avais envisagé. L’inévitable m’a emportée par la force de son passage. Pendant trois années, on aurait dit que la vie se remplissait d’absences, que tout se dépouillait, chaque minute. Jusqu’au jour où contre toute attente, je commence à écrire sur le temps qui passe. Une libération qui, peu à peu, se taille une place. Cette source d’inspiration devient mon apport vital. Un espace d’accalmie me conduisant vers l’ouverture. Développer l’espoir de ne plus faire semblant que tout va !
Quelque part, à la suite de ce passage et grâce au soutien de ma nouvelle complice, l’écriture, je sais que rechausser les souliers qui m’ont portée pendant toutes ces années se révélera impossible. La vie m’emmène ailleurs, me pousse à la croisée des chemins. Aussi sournoisement que la mort, le trop-plein de départs me fait amorcer un virage. Un soir de janvier 2018, je suis ma bonne étoile, et, grâce à elle, l’écriture devient mon refuge et ma paix. Ces événements me poussent vers une forme que je ne connais pas, mais qui m’habite depuis toujours.
Ni la vie ni la mort n’obéissent à des règles infaillibles. L’inspiration née de ces événements, à travers l’écriture, est aujourd’hui mon soutien inébranlable. La vie m’a offert un de ces cadeaux des plus mal enveloppés, mais paradoxalement une alliée qui coule de source.
Marie-Claire Goyette est auteure, chroniqueuse et éditrice aux Éditions Ruban de Soi.
« Les désillusions ne sont faites que pour les gens sans imagination. »
Gustave Flaubert
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