La lecture et l’écriture; deux faces d’une même pièce.

Vous écrivez, donc vous lisez. N’est-ce pas simplement deux facettes de ce travail? Il y a probablement des exceptions, mais passons-les. C’est presque inconcevable de vous imaginer écrivain sans être lecteur[1]. Et même, d’ailleurs, non seulement lisez-vous, mais en plus, vous le faites d’une façon critique.

Pour l’auteur que vous êtes, la lecture devient une source d’inspiration. C’est sûrement l’activité majeure qui a nourri votre désir d’écrire par vous-même. Vous avez lu mille fois votre auteur préféré, vous avez exploré d’autres styles, d’autres genres littéraires pour trouver ce qui vous touchait, mais aussi, en tant qu’écrivain, ce qui vous formait. Vous avez même imité; c’est le début de toute habileté.

La relecture pour le bien de l’écriture

Vous avez développé un regard conscient sur l’écrit. C’est ce qui vous distingue des autres lectrices. Et cet approfondissement du manuscrit, vous pouvez l’offrir à vos collègues. Votre lecture d’écrivaine sur le texte d’un autre est d’une importance centrale: c’est la meilleure façon de progresser. L’art, de tout temps, s’est acquis par pratique et critique.

La lectrice moyenne a aussi une grande valeur pour celle qui désire maitriser son art. Elle n’est pas versée en stylistique ni dans la dissection du niveau métadiégétique de… bref, son apport demeure beaucoup plus honnête, mais authentique: si elle ne comprend rien, c’est que vous n’avez pas été claire.

Cette sorte de retour sur texte, avant publication, est appelé bêta-lecture. C’est primordial que vous receviez l’avis de connaisseurs et d’amateurs à la fois. Votre récit gagnera en perfection sur deux paliers. Idéalement, votre bêta-lectrice représentera votre lectorat cible, mais ce n’est pas toujours facile à trouver. Et finalement, recevoir une lecture par quelqu’un qui n’a pas l’habitude de votre genre peut devenir très enrichissant.

Quoi attendre des relectures?

De la part de vos collègues, vous pouvez vous attendre des remarques franches et précises. Cette métaphore ne tient pas la route, cette phrase est illogique, ce personnage n’a ni cœur ni motivation, etc. Certains ont plus de tact que d’autres, mais en gros, vous n’aurez pas que des compliments et ils vous serviront à améliorer votre texte.

Vos collègues écrivains peuvent vous aider autant sur la forme que sur le fond. Ils savent, par leur propre réflexion sur cet art, comment améliorer votre syntaxe, votre style, vos dénouements d’intrigues.

Des bêta-lecteurs, vous devriez vous attendre à un lot d’incompréhensions. Ils servent à ça, dénicher ce qui semble obscur, ce qui est devenu trop évident pour vous. Ne demandez pas à un lecteur si votre protagoniste est attachant, chacun en aura une opinion différente. Demandez-lui ce qu’il perçoit de son évolution, de sa motivation. Si ce qu’on vous en dit correspond à ce que vous aviez imaginé, bingo! Qu’il l’aime ou non n’est pas important.

Ce que n’est pas une relecture

Si la relecture était de qualité, vous n’avez pas eu que des compliments. Ça peut faire mal. Ça peut tellement décourager. Ça vous fait douter de votre talent sérieusement. Ruminez, « soupapez », exprimez votre mécontentement, mais revenez à votre travail.

Avec une tête plus froide, vous saurez faire la part de choses sur vos retours. Ce que vous voulez vraiment garder et ce qui, oui effectivement, est carrément bancal. Une relecture ce ne sont pas que des fleurs et des compliments sur votre génie.

Si certaines lectrices vous corrigent ici et là des coquilles, là et là-bas, des mauvais accords et des usages douteux, gardez en tête que leur fonction ne demeure pas celle d’une correctrice qualifiée. La révision professionnelle n’est pas le but de vos bêtas. Pour un vrai travail de fond sur la correction, passez par une personne dont c’est le métier.

Donner au suivant

Alors, vous avez écrit et réécrit, puis fait lire et relire votre manuscrit mille fois. Vous avez développé une couenne solide face aux commentaires qui vous atteignent, encore, malgré tout. Rendez le service au prochain. Il est possible de critiquer de façon constructive, en donnant des outils pour que vos collègues puissent s’épanouir, eux aussi.

Et quand vous écrirez enfin un texte qui vous rendra fière, qui vous sortira par le nez tellement il aura été fignolé souvent, dites-vous que la relecture d’une direction littéraire demeure encore plus… sauvage. Aussi bien se faire les dents maintenant.

[1] Texte alternant l’usage du féminin et du masculin, témoignant d’une autre forme d’inclusivité.

Diplômée en création littéraire, Marie d’Anjou a aussi étudié la linguistique française, l’anthropologie et la psychologie. Elle intègre ces intérêts variés dans l’écriture de fiction, laquelle se trouve être un hybride entre littérature générale et imaginaire. Elle siège au conseil d’administration de l’AAAE et tient un blogue d’auteure sur mariedanjou.com.

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